Résolutions de nouvelle année, obligation ou renouveau ?

Nouvelle année rime souvent avec bonnes résolutions. Seulement nombre d’entre elles sont abandonnées aussi vite qu’elles sont apparues. Décrypter leurs processus et les moyens de les faire perdurer.

Les résolutions de fin d’année sont une tradition ancrée dans de nombreuses cultures, symbolisant un nouveau départ et la volonté de se réinventer. Chaque 1er janvier, des millions de personnes dans le monde prennent des engagements envers elles-mêmes, espérant améliorer divers aspects de leur vie, tels que leur santé physique et mentale, leur carrière ou leurs relations amicales ou amoureuses.

Mais pourquoi ces résolutions ont-elles une telle force émotionnelle et psychologique ? Pourquoi, malgré de bonnes intentions, nombre d’entre elles échouent ? Comment réaliser vos aspirations essentielles ? Ces questions seront explorées dans cet article.

Rassurez-vous ! Il est normal d’échouer à tenir ses bonnes résolutions. Les statistiques vous donnent d’ailleurs raison. Sur la base d’une étude menée par l’Université de Bristol impliquant 3000 personnes, seules 12% des résolutions étaient conservées au-delà de la 1ère année. Pire encore, une part significative s’arrêtait après le 2ème vendredi du mois de Janvier. Soit pour cette année : le 10 janvier 2025. Ce phénomène nommé outre-manche « Quitters Day » est traduit en français par « Journée des abandons » [i]

Vous l’aurez compris, changer de comportement est une tâche complexe qui nécessitent patience et connaissance de soi. Les résolutions de fin d’année touchent souvent des habitudes profondément ancrées, qui nécessitent de surmonter des barrières psychologiques et émotionnelles

Repartons du point de départ, vos résolutions de fin d’année. Je vous dresse le tableau : vous êtes en famille ou entre amis, dans un cadre rassurant, l’estomac cajolé, vous avez été gâté. Vous vous sentez à la fois rassasié, en sécurité, appartenir à un groupe, considéré par les attentions dont vous avez bénéficié. Et là, sans crier garde, une petite voix intérieure vous susurre vos bonnes résolutions. Vous êtes en haut de la pyramide des besoins à la plus haute marche, celle de la réalisation de soi. Ultime besoin à accomplir.

Le Dr Maltz dans son ouvrage Psycho-Cybernetics constate qu’il faut un minimum d’environ 21 jours pour qu’une ancienne image mentale se dissolve et qu’une nouvelle se forme. Une autre étude du Collège universitaire de Londres[i] avance que les changements plus profonds prennent en moyenne 66 jours tandis que les plus disruptif nécessitent jusqu’à 254 jours pour devenir des habitudes. Vous l’aurez compris changer induit une multitude de mécanismes (plasticité neuronale, apprentissage corporel, changement du système de valeur) pour s’ancrer.

Tenir le cap des résolutions requiert un juste équilibre entre ses ressources émotionnelles-physiques-psychiques et les résultats espérés.

Vos objectifs sont-ils influencés par la pression de votre environnement (réseaux sociaux et son culte de la performance, réussites familiales ou amicales) ? La balance penche au profit d’objectifs irréaliste ?

Dans cette configuration vous risquez de rencontrer de la fatigue émotionnelle et physique. Elle se produit à force de lutter contre les obstacles, provoquant de l’épuisement. Sur le versant psychologique les biais cognitifs renforcent les difficultés, découragent l’individu et le poussent à abandonner. A ce titre :

  • Le biais de négativité est la tendance naturelle à se concentrer davantage sur les échecs que sur les succès d’une situation.
  • La pensée du tout ou rien appelé « clivage » consiste à voir les choses en termes d’absolus « Si je ne réussis pas parfaitement, alors je suis en échec ». Cette manière de penser empêche de voir la progression et l’apprentissage possibles. Il est caractéristique des personnes perfectionnistes.

Si la balance penche en faveur des ressources au contraire vous sous-estimé peut-être votre potentiel pour d’autres motifs (peur, honte…)

En Gestalt Thérapie, le cycle du contact permet d’accroitre sa conscience vers la réalisation de ses besoins.

 « S’agit-il d’une motivation personnelle (besoin) ou extérieure (désir) ? »

Certaines résolutions sont motivées par des facteurs internes, comme les besoins de réalisation. D’autres, extrinsèques sont influencées par des désirs de l’environnement. Les besoins sont généralement plus durables tandis que les désirs peuvent conduire à des efforts temporaires, moins efficaces à long terme.

Ces résolutions extrinsèques sont héritées en Gestalt Thérapie du phénomène d’introjection pouvant se définir comme « l’adoption inconsciente des pensées ou des traits de personnalité d’autrui ». A l’occasion des résolutions, si l’idée d’obligation « il faut » ou d’exigence « je dois » se manifestent alors vous êtes vraisemblablement en présence d’un introjet non digéré.  

S’aventurer dans une résolution introjectée c’est risquer l’indigestion. C’est vivre un conflit interne entre ses résolutions et celles d’un autre (famille, amis, …). D’un point de vue psychique c’est risquer un morcellement de sa personnalité entre :

  • Un moi qui cède à la résolution de l’autre (la considérant à tort comme sienne) et qui se contraint  
  • Un moi qui résiste dans un processus de mise en conscience
  • Un moi qui aimerait être ailleurs pour honorer ses propres besoins[i]

« Où et comment suis-je mobilisé par cette résolution ? »

Chercher à sentir les parties de son être activé par ce projet, contacter les émotions qui s’y rapportent c’est leur donner corps, leur donner une existence sensible et tangible. Par un scan corporel, peut-être prendrez-vous conscience de pieds qui s’agitent et qui indiquent une volonté de mise en mouvement. Ou encore d’un poids dans le sternum à la recherche de soulagement. Qu’importe… quelle conscience s’active à la formulation de vos vœux personnels ? Ralentissez et portez votre attention sur votre intériorité, le corps porte en mémoire des savoirs inaccessibles. Faites-le parler en accédant à vos sensations. En Gestalt Thérapie, ce procédé s’appelle « l’awareness ».

Une fois mobilisé par le sensible, pour renforcer vos chances de réussites, il vous faut toutefois une stratégie. En mobilisant votre intellect vous pouvez visualiser les étapes vers l’objectif à atteindre. En Gestalt Thérapie, on parle de « consciousness ».

Le modèle transthéorique du changement de Prochaska et DiClemente[ii] décrit différentes étapes pour changer les habitudes néfastes qui structurent votre personnalité. Prenons l’exemple suivant « je souhaite arrêter de fumer ».[iii] La plupart des lecteurs (fumeur y compris) conviendront que fumer est nocif et peut justifier le souhait d’arrêter. Appliquons cet exemple à 2 personnes, une 1ère consciente des étapes et une seconde qui l’ignore.

Ces 2 exemples montrent à quel point nos résolution sont difficile à tenir. Difficile n’est toutefois pas impossible. Les résolutions échouent souvent lorsqu’elles ne prennent pas en compte ces étapes, car elles se concentrent uniquement sur l’intention et la motivation sans une préparation adéquate au changement.

  • S’engager en conscience dans l’effort

Votre corps et votre esprit aux diapasons s’unissent pour suivre le plan de route que vous avez élaboré. Pas après pas, à votre rythme, en conscience de vos mouvements vous pouvez cheminer vers votre cible. Puisque la vie est dynamique faites vous confiance. « Trust the process » dirait les gestaltistes. Qu’importe les obstacles vous oscillerez entre la mobilisation de votre énergie – « aller vers » pour les surmonter et le « retrait » pour vous ressourcer.  

  • Faire appel à de l’aide et du soutien, demander l’appui d’un tiers

Ces obstacles peuvent parfois sembler insurmontables et 2 raisons peuvent expliquer cela : d’une part, la répétition de stratégies anciennes aujourd’hui inefficaces, appelées « ajustements conservateurs », d’autre part la limitation à ses auto soutiens au détriment d’aide extérieure. Sortir seul de ses schémas répétitifs est difficile car ils donnent l’illusion de pouvoir sauvegarder l’intégrité psychique de la personne. L’appui d’un professionnel de l’accompagnement conscient de ces mécanismes accélèrera la mise en conscience transformatrice.

La psychologue Kristin Neff, défend la pratique de l’auto-compassion[i], comme moyen de surmonter l’échec. Son principe consiste à se traiter avec bienveillance et à accepter que l’échec fasse partie intégrante du processus d’apprentissage. Le processus devenant plus important que le résultat. Se faisant, les personnes qui réussissent à maintenir leurs résolutions sont souvent celles qui abordent les défis avec une attitude résiliente. Elles voient les échecs comme des occasions d’apprentissage plutôt que comme des obstacles insurmontables.  

Conclusion : Vers des résolutions plus réalistes et bienveillantes

En résumé, les résolutions de fin d’année peuvent être une source de motivation et de croissance personnelle si elles sont élaborées avec soin, en prenant en compte les étapes du changement, les facteurs contextuels et les pièges psychologiques.

  • S’assurer qu’elles répondent à un besoin personnel
  • Se rappeler que le changement ça prend du temps
  • Être réaliste entre les moyens déployés et le résultat escompté
  • Rechercher du soutien
  • Pré-visualiser la trajectoire et garder le cap
  • Vivre l’expérience de transformation au contact de son éprouvé
  • Être bienveillant envers soi-même

Il me reste à vous souhaiter une belle année 2025 sous le signe du ralentissement et de la conscience du vivant qui vous anime.


[i] Kristin Neff – Grand manuel de psychologie positive : Fondements, théories et champs d’intervention
Chapitre 9. L’autocompassion : accueillir sa souffrance avec bienveillance et gentillesse (P 183 à 195)


[i] Marie Petit – La gestalt thérapie de l’ici et maintenant (p50) – ESF : psychothérapie méthode et cas

[ii] Prochaska JO, Diclemente CC, Norcross JC. In search of how people change. Applications to addictive behaviors. Am Psychol, 1992 sep;47(9):1102-14. 

[iii] Haute Autorité de Santé – Service des bonnes pratiques professionnelles / octobre 2014 – Outil associé à la recommandation de bonne pratique « Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l’abstinence »


[i] P. Lally, How are habits formed : Modelling habit formation in the real world, European Journal of Social Psychology, octobre 2010

[i] Jonah Lehrer – C’est la faute du cerveau – Wall Street Journal – 26 décembre 2009

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